Place des tests ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage de la trisomie 21 foetale
Les présentes recommandations, élaborées à la demande de la Direction générale de la santé, portent sur la place des tests ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage de la trisomie 21 fœtale (tests ADNlcT21), dans le cas des grossesses monofœtales. Elles n’envisagent pas le dépistage des autres aneuploïdies, en particulier des trisomies 13 et 18. Les recommandations ont été élaborées à partir d’une revue systématique de la littérature portant sur les performances et les études médico-économiques des tests ADNlcT21. Une modélisation médico-économique a également été réalisée par la HAS afin de comparer les coûts et consé- quences de différentes stratégies de dépistage selon la place des tests ADNlcT21 et par rapport à la procédure de dépistage de la trisomie 21 définie dans l’arrêté du 23 juin 2009 (en cours d’application au moment de la rédaction de ce rapport). Une évaluation des aspects éthiques et la prise en compte des préférences sociales liées à l’introduction de cette nouvelle technique ainsi qu’une analyse des enjeux organisationnels plus spécifiques à la mise en œuvre des procédures de dépistage considérées comme les plus pertinentes, ont complété les travaux. Un groupe de travail a formulé un avis sur la place des tests ADNlcT21 et les conditions de mise en œuvre de leur introduction dans le dépistage de la T21. L’ensemble de ces travaux a fait l’objet d’une relecture par un groupe élargi d’experts, professionnels de santé et représentants de patients et d’usagers. Au regard de ces différents éléments, la HAS a émis les recommandations suivantes :
Concernant la place des tests ADNlcT21 dans le dépistage, La HAS recommande que :
-un test ADNlcT21 soit proposé à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque de trisomie 21 fœtale est compris entre 1/1 000 et 1/51 à l’issue du dépistage par dosage des marqueurs sériques (à titre principal, dépistage combiné du 1er trimestre) ;
-la possibilité de réalisation d’un caryotype fœtal d’emblée soit proposée à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque de trisomie 21 fœtale est supérieur ou égal à 1/50 à l’issue du dépistage par dosage des marqueurs sériques (à titre principal, dépistage combiné du 1 er trimestre). Un test ADNlcT21 pourra cependant être réalisé avant un éventuel caryotype fœtal selon la préférence de la femme enceinte. La HAS souligne que cette intégration du test ADNlcT21 permettra d’améliorer le taux de détection tout en limitant le nombre d’examens invasifs pour caryotype fœtal, mais impliquera, en l’état actuel du prix du test, l’allocation de ressources supplémentaires par rapport à la procédure de dépistage proposée en 2016.
La HAS insiste sur le fait que :
-le test ADNlcT21 ne remplace pas le caryotype fœtal pour la confirmation diagnostique de trisomie 21 fœtale ;
-la procédure standard de dépistage par marqueurs sériques préconisée est le dépistage combiné reposant sur la mesure échographique de la clarté nucale et le dosage des marqueurs sé- riques du 1er trimestre ;
-l’accès de toutes les femmes à une échographie biométrique et morphologique réalisée entre 11+0 et 13+6j semaines d’aménorrhée selon les critères de qualité édictés par la HAS doit être garanti ;
-l’intégration du test ADNlcT21 dans le dépistage de la trisomie 21 fœtale ne remet pas en question la proposition de caryotype fœtal d’emblée (ou d’une analyse chromosomique sur puce à ADN) en cas de clarté nucale ≥ 3,5 mm (ou > 99e percentile) et autres signes échographiques, conformément à la procédure standard.
Concernant les conditions de mise en œuvre
La HAS considère que l’intégration des tests ADNlcT21 dans le dépistage de la trisomie 21 fœtale doit respecter certaines conditions afin de garantir la qualité de la procédure de dépistage et le libre choix éclairé des femmes enceintes. Elle souligne en effet que les modifications introduites dans la procédure de dépistage pourraient avoir un impact sur la façon dont les femmes enceintes et les professionnels de santé appréhendent la notion même de risque de trisomie 21 fœtale et sur l’anxiété éventuelle des femmes enceintes.
La HAS recommande ainsi la mise en place d’un système d’assurance-qualité pour la réalisation des tests ADNlcT21 qui s’intègre dans la dynamique existante (pour les marqueurs sériques, l’échographie fœtale et l’activité de cytogénétique, notamment) et la démarche d’accréditation des laboratoires. Il conviendra en particulier de réfléchir à la mise en place d’un contrôle de qualité externe, à la définition de critères de performances minimales des tests et de critères de qualité (notamment, taux de non-rendu et délai de rendu des résultats, compétence des praticiens, éventuellement seuil d’activité pour les laboratoires), à une harmonisation du format de rendu des résultats de ces tests et à une clarification de l’encadrement juridique concernant le type de données à conserver et leur durée de conservation.
La HAS insiste également sur la nécessité de garantir aux femmes enceintes un accès équitable à une information adaptée et à un accompagnement de qualité. Il apparaît ainsi essentiel d’évoquer l’ensemble des étapes possibles du dépistage dès la première consultation afin de limiter l’anxiété et de laisser un temps de réflexion suffisant pour la prise de décision de la femme enceinte, ce qui devrait avoir un impact sur la durée de la consultation. Il convient également de respecter les diffé- rents temps d’information et de rendu des résultats des différents tests plutôt qu’un temps unique, afin de permettre le libre choix des femmes enceintes quant à la poursuite de la procédure de dé- pistage. Cet accompagnement implique de garantir la délivrance d’une information appropriée et harmonisée par les différents professionnels compétents impliqués dans la procédure de dépistage (aux différents temps de dépistage et de diagnostic), ce qui nécessitera une attention particulière en ce qui concerne la formation des professionnels de santé. Les réseaux de santé en périnatalité, en lien avec les Centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) et les sociétés savantes ont un rôle important à jouer dans l’élaboration et la mise en œuvre des modalités de formation et d’information les plus adaptées en direction des professionnels de santé comme des femmes enceintes.
La HAS rappelle également que l’information à délivrer à toutes les femmes enceintes doit leur permettre de comprendre ce qu’est la trisomie 21, de connaître les modalités de prise en charge des personnes porteuses de trisomie 21 et d’aide aux familles (prise en charge coordonnée, médicale, sociale, éducative et psychologique), les modalités de dépistage existantes, les avantages et inconvénients des tests proposés, la notion de risque et la distinction entre risque et diagnostic de certitude, les possibilités qui s’offrent à elles en matière de prélèvement pour le diagnostic prénatal et en matière de prise en charge de la grossesse en cas de diagnostic de trisomie 21 fœtale. Le dépistage prénatal, comme l’interruption médicale de grossesse, ne doivent en aucun cas être présentés comme une obligation. Cette information devra permettre d’éclairer les choix des femmes enceintes aux trois temps de la décision (dépistage, diagnostic et poursuite ou non de la grossesse, en cas de diagnostic d’une trisomie 21 fœtale). Un outil pédagogique d’information pré- sentant aux femmes enceintes les différentes étapes du dépistage, la place des différents tests et les informations qu’ils permettent de recueillir devra être élaboré de façon consensuelle.
Afin de garantir le meilleur accompagnement des femmes enceintes dans le cas où deux tests ADNlcT21 consécutifs ne permettraient pas d’obtenir un résultat interprétable, la HAS considère que la conduite à tenir doit être la même quel que soit le niveau de risque entre 1/1 000 et 1/51 à l’issue du dépistage par dosage des marqueurs sériques (à titre principal, dépistage combiné du 1 er trimestre) : un avis d’un CPDPN et une orientation des femmes enceintes ou des couples vers un conseil génétique selon les résultats du caryotype fœtal. Dans ce cas particulier, la prise en charge par l’Assurance maladie du caryotype fœtal devra être possible pour les femmes enceintes avec un risque de T21 fœtale estimé supérieur ou égal à 1/1 000.
Concernant les conditions de suivi et d’évaluation
La HAS souligne l’importance d’évaluer l’impact de l’intégration des tests ADNlcT21 dans la procédure de dépistage de la trisomie 21 fœtale et de la modification des seuils de risque.
Elle recommande ainsi que :
-soit organisé un suivi en vie réelle de l’utilisation des tests ADNlcT21 et des performances de la procédure mise en place et de l’impact de l’introduction de ces tests, notamment en termes de pertes fœtales évitées, d’anxiété des femmes enceintes ;
-soit envisagée une réévaluation à courte échéance (3 ans) après l’introduction des tests ADNlcT21 dans la procédure de dépistage de la trisomie 21 (ex. : analyse médico-économique sur données observées, impact organisationnel en vie réelle, préférences observées, pertinence d’un éventuel élargissement de la population dépistée, etc.) et notamment que soit associée une évaluation du dépistage prénatal des autres aneuploïdies et microdélétions.
En l’état des connaissances scientifiques début 2017, la HAS renvoie vers l’avis formulé par le groupe de travail et les éventuelles recommandations des sociétés savantes pour le dépistage de la trisomie 21 fœtale dans les situations particulières telles qu’elles ont été évoquées en introduction du rapport d’évaluation.
Enfin, bien que ce point n’ait pas été l’objet des présents travaux d’évaluation, la HAS relève les moins bonnes performances du dépistage séquentiel intégré reposant sur la mesure de la clarté nucale entre 11+0 et 13+6j semaines d’aménorrhée et le dosage des marqueurs sériques du 2 e trimestre, à la suite des membres du groupe de travail et du groupe de pilotage de l’Agence de la biomédecine « dépistage de la trisomie 21 au premier trimestre ». Elle rappelle que ce dernier propose « d’interrompre l’utilisation de cette modalité [de dépistage] et de la remplacer par le dosage des marqueurs sériques du deuxième trimestre, chaque fois que la coordination entre la date de l’échographie et la date du prélèvement sanguin pour les marqueurs sériques du premier trimestre n’a pas pu être satisfaite ».